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tom crabbe entraîné par john milner.

— Rien. Dès que son sixième repas sera achevé, nous irons ensemble prendre le train, et je le mettrais aux bagages, si je ne craignais un excédent.

— J’ai le pressentiment, reprit le chroniqueur, que Tom Crabbe sera favorisé de la même chance…

— Moi aussi, déclara John Milner.

— Bon voyage !

— Merci. »

L’entraîneur ne tenait pas à imposer l’incognito au Champion du Nouveau-Monde. Un personnage aussi considérable — au point de vue matériel — que Tom Crabbe n’aurait pu passer inaperçu. Son départ ne fut donc point tenu secret. Il y eut foule, ce soir-là, sur les quais de la gare, pour le voir se hisser dans son wagon au milieu des hurrahs. John Milner monta après lui. Puis le train démarra, et peut-être la locomotive sentit-elle un surcroît de charge, dû au transport du pesant pugiliste.

Pendant la nuit, le train dévora trois cent cinquante milles, et, le lendemain, il atteignit Fulton à la limite de l’Illinois, sur la frontière du Kentucky.

Tom Crabbe ne s’inquiétait guère d’observer le pays qu’il traversait, — un État relégué au quatorzième rang dans l’ensemble de l’Union. Sans doute, à sa place, Max Réal et Harris T. Kymbale n’eussent pas manqué de visiter Nashville, la capitale actuelle, et le champ de bataille de Chattanooga, sur lequel Sherman ouvrit les routes du Sud aux armées fédérales. Et puis, l’un en artiste, l’autre en reporter, pourquoi n’auraient-ils pas fait un à droite d’une centaine de milles jusqu’à Grand Junction afin d’honorer Memphis de leur présence ? C’est la seule importante cité que l’État possède sur la rive gauche du Mississippi, et elle a belle apparence, dressée sur la falaise, qui domine le cours du superbe fleuve, semé d’îles en pleine verdure.

Mais l’entraîneur ne crut pas devoir s’écarter de son itinéraire pour permettre aux deux énormes pieds de Tom Crabbe de fouler