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D’ÎLES EN ÎLES

— Essayons d’atteindre le plus prochain village en amont, ou, si c’est impossible, nous redescendrons à l’île Casimirito près de laquelle nous avons passé la nuit.

— Et quel est ce village ?…

— Buena Vista sur la rive gauche. »

Cette manœuvre était, en effet, tellement indiquée que, sans s’être concerté avec le patron de la Maripare, Valdez prenait déjà direction vers ce village.

Les voiles dégonflées pendaient le long des mâts. Les mariniers les affalèrent au fond de l’embarcation afin qu’elles ne pussent donner prise au vent. Peut-être, après tout, l’orage n’éclaterait-il pas avant une ou deux heures. Les nuages, d’une teinte livide, semblaient être immobilisés contre l’horizon du sud.

« Mauvais temps, dit le sergent Martial en interrogeant le patron de la Gallinetta.

— Mauvais temps, répondit Valdez, mais tâchons de gagner sur lui. »

Les deux pirogues se trouvaient alors, par le travers l’une de l’autre, à une cinquantaine de pieds, pas davantage. Les longues perches en fourche furent alors utilisées comme des gaffes, en prenant appui au pied des bancs. Ce fut, en somme, beaucoup de travail pour peu de résultat, car on étalait à peine le courant. D’ailleurs, nulle possibilité de procéder d’une façon différente. L’essentiel, c’était de rallier la rive gauche du fleuve, le long de laquelle on pourrait se haler au moyen de l’espilla.

Une grande heure fut employée à cette opération. Que de fois dut-on craindre, si les falcas ne se décidaient pas à mouiller, de les voir entraînées en aval, et peut-être jetées sur quelque récif ! Enfin, grâce à l’adresse des patrons, à la vigueur des mariniers, auxquels MM. Miguel, Felipe et Varinas, d’une part, le sergent Martial et Jean de l’autre, vinrent en aide, les deux embarcations accostèrent la rive gauche, sans avoir très sensiblement perdu en obliquant à travers le lit du fleuve.