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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

— Et ses eaux ne sont-elles pas troubles et blanchâtres, s’écria M. Varinas, tandis que celles-ci, depuis Ciudad-Bolivar, sont claires et limpides ?…

— Entendu, dit M. Miguel en souriant, et mettons l’Apure hors de concours. Nous trouverons assez d’autres concurrents sur notre route. »

Ce que M. Miguel aurait pu dire, c’est que, en tout cas, l’Apure arrose des llanos autrement riches que ceux de l’Orénoque, et qu’il semble véritablement le continuer vers l’ouest, tandis que celui-ci fait un angle en cet endroit et vient du sud depuis San-Fernando. C’est sur une longueur de cinq cents kilomètres, presque à Palmirito, que les bateaux à vapeur, qui ne peuvent s’aventurer en amont de son embouchure, en suivent le cours.

On l’a justement nommé le « fleuve des llanos », ces vastes surfaces propices à toutes cultures, si heureusement disposées pour l’élevage des bestiaux, et qui renferment la population la plus robuste et la plus laborieuse du Venezuela central.

Ce qu’il convient aussi de remarquer, — et Jean put le constater de ses propres yeux, — c’est que les caïmans abondent sous ces eaux épaisses, qui leur permettent d’approcher plus facilement leur proie. Quelques-uns de ces sauriens monstrueux vinrent s’ébattre à quelques pieds de la Gallinetta. Longs de plus de six mètres, ces géants de l’espèce des crocodiles sont nombreux dans les tributaires de l’Orénoque, alors que les caïmans des rivières des llanos n’atteignent qu’une taille inférieure.

Et, sur une demande que lui fit le jeune garçon, le patron Valdez répondit :

« Ces bêtes ne sont pas toutes dangereuses, et il y en a, — entre autres les bavas, — qui n’attaquent même pas les baigneurs. Quant aux cebados, c’est-à-dire ceux qui ont déjà goûté de la chair humaine, ils s’élanceraient jusque dans les embarcations pour vous dévorer !…

— Qu’ils y viennent ! s’écria le sergent Martial.