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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

Que de retards aussi sur un fleuve, en réalité, si peu propre à une rapide navigation ! Cette monotonie n’existerait pas, sans doute, pour M. Miguel et ses compagnons. En attendant leur arrivée au confluent du Guaviare et de l’Atabapo, ils feraient œuvre de géographes, ils compléteraient la reconnaissance hydrographique de l’Orénoque, ils étudieraient la disposition de ses affluents non moins nombreux que ses îles, ils relèveraient la situation de ses raudals, ils rectifieraient enfin les erreurs dont la carte de ces territoires était encore entachée. Le temps s’écoule vite pour des savants… qui cherchent à en savoir davantage !

Peut-être était-il regrettable que le sergent Martial se fût opposé à ce que le voyage s’effectuât dans une seule et même embarcation, car les heures eussent paru moins interminables. Mais, sur ce point, l’intransigeance de l’oncle avait été absolue, et, d’ailleurs, le neveu n’avait fait aucune observation à ce sujet, comme s’il eût été nécessaire qu’il en fût ainsi.

Le jeune garçon dut se contenter de lire et relire l’ouvrage de son compatriote, si précis, en somme, sur tout ce qui concerne l’Orénoque, et il n’aurait pu trouver un meilleur guide que le voyageur français.

Lorsque la Maripare et la Gallinetta eurent atteint le milieu du fleuve, on aperçut les cerros qui bossuent la surface des plaines voisines. Sur la rive gauche, un amas de cases devint visible vers onze heures du matin, au pied de collines granitiques. C’était le village de Cabruta, composé d’une cinquantaine de paillotes, et si l’on veut bien multiplier ce nombre par huit, on aura à peu près celui de ses habitants. Là les métis ont remplacé les Indiens Guamos, actuellement dispersés, des indigènes dont la peau est plus blanche que celle des mulâtres. Cependant, comme on était dans la saison des pluies, le sergent Martial et Jean de Kermor purent voir d’assez près quelques-uns de ces Guamos, qui viennent, à cette époque, pêcher sur leurs canots d’écorce.

Le patron de la Gallinetta parlait l’espagnol. Aussi, le jeune garçon