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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

placée là comme une auberge à un tournant de route, ou mieux, à un carrefour. Excellente position pour prospérer, même à quatre cents kilomètres du delta de l’Orénoque.

Et Caïcara est en pleine prospérité, grâce au voisinage du confluent de l’Apure, qui s’ouvre en amont au commerce de la Colombie et du Venezuela.

Le Simon-Bolivar n’avait atteint ce port fluvial que vers neuf heures du soir. Ayant quitté Las Bonitas à une heure après midi, puis, dépassant successivement le rio Cuchivero, le Manapire, l’île Taruma, il était venu déposer ses passagers à l’appontement du quai de Caïcara.

Ces passagers, cela va sans dire, étaient uniquement ceux que le bateau ne devait pas conduire, par l’Apure, à San-Fernando ou à Nutrias.

Le trio des géographes, le sergent Martial et Jean de Kermor, un certain nombre de voyageurs, étaient de ceux-là. Le lendemain, au jour levant, le Simon-Bolivar quitterait la bourgade afin de remonter cet important tributaire de l’Orénoque jusqu’aux pieds des Andes colombiennes.

M. Miguel n’avait point négligé de rapporter à ses deux amis les quelques renseignements ajoutés par le jeune garçon dans sa conversation avec le gouverneur. Tous deux savaient maintenant que Jean allait à la recherche de son père, sous la tutelle d’un vieux soldat, le sergent Martial, qui se disait son oncle. Il y avait quatorze ans que le colonel de Kermor avait quitté la France pour se rendre au Venezuela. À la suite de quelles circonstances s’était-il expatrié, que faisait-il dans ces contrées lointaines, peut-être l’avenir se réservait-il de l’apprendre. En somme, ce qui était certain, d’après la lettre écrite par lui à l’un de ses amis, — lettre qui ne fut connue que bien des années après son arrivée, — c’est que le colonel passait en avril 1879 à San-Fernando de Atabapo, bien que le gouverneur du Caura, qui résidait alors en cette bourgade, n’eût pas eu connaissance de son passage.