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PREMIER CONTACT.


Vers midi, les hôtes de la résidence quittèrent la table, et se dirigèrent vers le Simon-Bolivar, dont le départ devait s’effectuer à une heure de l’après-midi.

L’oncle et son neveu, depuis qu’ils étaient rentrés pour prendre leur part de l’almuerzo, n’avaient plus remis le pied à terre. De l’arrière du pont supérieur, où le sergent Martial fumait sa pipe, ils aperçurent de loin M. Miguel et ses collègues qui regagnaient le bord.

Le gouverneur avait voulu les accompagner. Désireux de leur donner une dernière poignée de main et un dernier adieu à l’instant où le bateau larguerait ses amarres, il embarqua et monta sur le spardeck.

Le sergent Martial dit alors à Jean :

« C’est au moins un général, ce gouverneur-là, bien qu’il ait un veston pour tunique, un chapeau de paille pour bicorne, et que sa poitrine manque de décorations…

— C’est probable, mon oncle.

— Un de ces généraux sans soldats, comme il y en a tant dans ces républiques américaines !

— Il a l’air d’un homme fort intelligent, fit observer le jeune garçon.

— Possible, mais il a surtout l’air d’un curieux, répliqua le sergent Martial, car il nous regarde d’une façon qui ne me va qu’à moitié… et, à vrai dire, pas du tout ! »

En effet, le gouverneur s’obstinait à dévisager particulièrement les deux Français, dont il avait été question pendant le déjeuner.

Leur présence à bord du Simon-Bolivar, le motif pour lequel ils avaient entrepris ce voyage, la question de savoir s’ils s’arrêteraient à Caïcara, ou s’ils iraient au-delà, soit par l’Apure, soit par l’Orénoque, cela ne laissait pas d’exciter sa curiosité. Les explorateurs du fleuve, ce sont généralement des hommes dans la force de l’âge — tels ceux qui avaient visité Las Bonitas, il y