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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

— Eh bien… est-ce lui dont les eaux ont porté nos pirogues jusqu’aux sources de la sierra Parima ?… »

À cette question, les figures de MM. Varinas et Felipe se rembrunirent. Leurs yeux lancèrent des éclairs, précurseurs d’orages, tandis que M. Miguel hochait la tête.

Et alors la discussion de reprendre avec une vigueur que le temps n’avait pu diminuer, entre le partisan de l’Atabapo et le partisan du Guaviare. Non !… ils n’étaient point d’accord, ils ne le seraient jamais, et, plutôt que de céder l’un à l’autre, ils eussent donné raison à M. Miguel et conclu en faveur de l’Orénoque !

« Répondez à ceci, monsieur, s’écria M. Varinas, et niez, si vous l’osez, que le Guaviare n’ait pas été désigné maintes fois sous le nom d’Orénoque occidental par des géographes d’une véritable compétence…

— D’une incompétence égale à la vôtre, monsieur ! » s’écria M. Felipe.

Et l’on remarquera que, dès les premiers mots, la discussion s’élevait à son maximum d’intensité. Qu’on n’en soit pas étonné, d’ailleurs, puisque, chaque jour, du lever au coucher du soleil, cette discussion mettait aux prises les deux adversaires. Et si leurs arguments n’étaient pas usés jusqu’à la corde, c’est que probablement ils étaient inusables !

Et M. Varinas de répliquer :

« Prendre sa source dans la sierra Suma-Paz, à l’est du haut Magdalena, sur les territoires de la Colombie, cela est autrement honorable que de sourdre on ne sait d’où…

— On ne sait d’où, monsieur ?… riposta aigrement M. Felipe. Vous avez l’aplomb d’employer de pareils termes, lorsqu’il s’agit de l’Atabapo, qui descend de ces llanos arrosés par le rio Negro, et alors que ce grand fleuve établit une communication avec le bassin de l’Amazone !

— Mais les eaux de votre Atabapo sont noires et ne parviennent même pas à se mélanger avec celles de l’Orénoque !