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EN ROUTE.

y fut déposé sur une litière d’herbes. Ni ses yeux ni ses lèvres ne s’ouvrirent. Mais, si faiblement que ce fût, son haleine passait entre ses lèvres décolorées.

La marche fut continuée. Le père Esperante se tenait près de la charrette, où reposait son vieux compagnon d’armes, qui l’avait reconnu après une si longue absence… son sergent, laissé quatorze ans avant dans ce pays de Bretagne, que le colonel de Kermor avait abandonné sans esprit de retour !… Et il le retrouvait là… en cette contrée perdue… frappé d’une balle… et peut-être par la main de ce misérable Alfaniz…

« Ainsi… pensait-il, Gomo ne s’est pas trompé, lorsqu’il parlait du sergent Martial… Mais qu’a-t-il voulu dire ?… Cet enfant… ce fils à la recherche de son père… Un fils… un fils ?… »

Et, s’adressant au jeune Indien qui marchait près de lui :

« Ce soldat n’est pas venu seul, m’as-tu dit ?… Il avait avec lui un jeune garçon…

— Oui… mon ami Jean…

— Et tous deux se rendaient à la Mission ?…

— Oui… pour rechercher le colonel de Kermor…

— Et ce jeune garçon est le fils du colonel ?…

— Oui… son fils. »

Devant des réponses si affirmatives, le Père Esperante sentit son cœur battre comme s’il allait éclater. Enfin il n’y avait plus qu’à attendre. Peut-être ce mystère se dénouerait-il avant la fin de la journée ?…

Attaquer les Quivas, si on les rencontrait au campement du pic Maunoir, — et les quelques mots échappés au sergent Martial donnaient l’assurance qu’Alfaniz se trouvait là, — lui arracher ses prisonniers, tout ne tendit plus qu’à ce but.

Les Guaharibos prirent le pas de course, et les charrettes restèrent en arrière avec une escorte suffisante.

En vérité, toutes les chances de succès n’étaient-elles pas du côté de cet ancien colonel, devenu le missionnaire de Santa-Juana, le