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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

La route faisait à peu près un angle aigu avec celle que Gomo avait suivie en guidant Jacques Helloch et ses compagnons. C’était la plus courte entre la Mission et le massif de la Parima. À quelques empreintes d’origine récente, on reconnaissait qu’une nombreuse troupe l’avait parcourue peu de jours auparavant.

Les Guaharibos s’éloignaient donc du rio Torrida, qui coulait vers le sud-est. Leur itinéraire rencontrait divers petits affluents de sa rive gauche. Desséchés alors, ils ne présentaient aucun obstacle. Il y eut seulement à éviter certains bayous, encore remplis d’une eau dormante.

Après une halte d’une demi-heure, vers midi, le Père Esperante reprit la marche, et telle fut la diligence déployée, que, dès cinq heures, ses Guaharibos stationnaient au pied du massif de la Parima, non loin de l’endroit où s’élève un des cerros auquel M. Chaffonjon a donné le nom de Ferdinand de Lesseps.

Là furent relevés les indices d’un campement, récemment établi en cet endroit. Cendres refroidies, restes de repas, litières d’herbes foulées, indiquaient qu’on y avait passé la nuit précédente. Donc aucun doute sur ce point que les Quivas d’Alfaniz, — et aussi les prisonniers — eussent pris direction vers le fleuve.

Pendant la halte, qui dura une heure et permit aux chevaux de pâturer, le Père Esperante se promenait à l’écart.

Toute sa pensée s’attachait à ces deux noms que le jeune Indien avait prononcés.

« Le sergent Martial… se répétait-il, le sergent… ici… se rendant à Santa-Juana… »

Puis, elle se reportait sur Jean de Kermor… sur cet enfant à la recherche de son père !… Qui était ce jeune garçon ?… Le colonel n’avait pas de fils !… Non !… Gomo s’était trompé !… Dans tous les cas, il y avait là des Français prisonniers… des compatriotes à délivrer des mains des Quivas !…

On se remit en route, et, vers six heures, la rive droite de l’Orénoque fut atteinte.