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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

où se trouvaient les Quivas, et si nous voulions le conduire… C’étaient ceux-là qui avaient détruit notre village de San-Salvador… qui avaient tué ma mère !… Mon père refusa… et d’un coup de revolver… il fut tué à son tour…

— Tué !… murmura le frère Angelos.

— Oui… par l’homme… Alfaniz…

— Alfaniz !… Et d’où venait-il, ce misérable ?… demanda le Père Esperante.

— De San-Fernando.

— Et comment avait-il remonté l’Orénoque ?…

— En qualité de batelier, sous le nom de… Jorrès… à bord de l’une des deux pirogues qui amenaient les voyageurs…

— Et tu dis que ces voyageurs sont des Français ?…

— Oui… des Français, qui n’ont pu naviguer plus loin que le rio Torrida… Ils ont laissé leurs pirogues à l’embouchure, et l’un d’eux, le chef, accompagné du patron de l’une des falcas, m’a trouvé dans la forêt, près du corps de mon père… Ils ont eu pitié… ils m’ont emmené… ils ont enterré mon père… Puis ils m’ont offert de les conduire à Santa-Juana… Nous sommes partis… et, avant-hier, nous étions arrivés au gué de Frascaès, lorsque les Quivas nous ont attaqués et faits prisonniers…

— Et depuis ?… demanda le Père Esperante.

— Depuis ?… Les Quivas se sont dirigés du côté de la sierra… et c’est ce matin seulement que j’ai pu m’échapper… »

Le missionnaire avait écouté le jeune Indien avec une extrême attention. L’éclair de ses yeux disait quelle colère l’animait contre ces malfaiteurs.

« Tu dis bien, mon enfant, reprit-il pour la troisième fois, que ces voyageurs sont des Français…

— Oui, Père.

— Tu en comptes ?…

— Quatre.

— Et ils avaient avec eux…