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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

rancho de Carida, où l’Indien Baré affirmait avec raison l’avoir vu à son passage. Or il attendait à San-Fernando l’occasion de revenir aux sources de l’Orénoque, lorsque les pirogues Gallinetta et Moriche se préparèrent à partir pour la Mission de Santa-Juana.

Alfaniz, — uniquement connu sous le nom de Jorrès, — prétextant le désir de se rendre à la Mission, offrit ses services au patron de la Gallinetta qui reformait son équipage, et il fut accepté, comme on sait, pour le malheur de ceux qui allaient s’aventurer sur le haut cours du fleuve.

En même temps qu’Alfaniz aurait la possibilité de retrouver les Quivas, il satisferait enfin la haine qu’il avait vouée au colonel de Kermor.

En effet, il avait appris que ce jeune garçon, embarqué sur la Gallinetta avec le sergent Martial, était à la recherche de son père, dont la déposition devant la cour d’assises de la Loire-Inférieure avait amené sa condamnation aux travaux forcés à perpétuité et son envoi au bagne de Cayenne.

N’était-ce pas ou jamais l’occasion inespérée de s’emparer de ce jeune garçon, peut-être même du colonel, si l’on retrouvait ses traces à la Mission de Santa-Juana, et, dans tous les cas, de se venger sur le fils à défaut du père ?…

On sait le reste. Ayant rencontré un de ses complices pendant cette nuit qu’il avait passée à terre au sitio de Yaname, Alfaniz s’était enfui dès l’arrivée des pirogues au campement du pic Maunoir. Puis, après avoir assassiné l’Indien, qui refusait de lui servir de guide, il avait remonté le rio Torrida, traversé le gué de Frascaès, et rejoint la bande des Quivas…

Maintenant, Jacques Helloch et ses compagnons à sa merci, ce misérable comptait s’emparer des pirogues, à leur mouillage sur l’Orénoque.

Le fils ou plutôt la fille du colonel de Kermor était en son pouvoir.