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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

La marche n’était pas aisée à la surface d’un sol embroussaillé, parfois recouvert d’une épaisse couche de feuilles mortes, parfois encombré de ces branches que les impétueuses rafales des chubascos abattent par centaines. Jacques Helloch, d’ailleurs, tendait plutôt à modérer le cheminement, afin de ménager les forces de la jeune fille. Et lorsqu’elle lui faisait quelque observation à ce sujet :

« Il importe d’aller vite, sans doute, mais il importe plus encore de ne pas être arrêté par la fatigue.

— Je suis toute remise, maintenant, monsieur Helloch… Ne craignez pas que je sois une cause de retard…

— Je vous en prie… mon cher Jean… répondait-il, permettez-moi de prendre pour vous les précautions que je crois nécessaires… En causant avec Gomo, j’ai pu me rendre compte de la situation de Santa-Juana, établir notre route, étape par étape, que j’ai calculées avec soin… À moins de rencontres qui ne se produiront pas, je l’espère, nous n’aurons pas besoin de doubler ces étapes… Cependant, s’il le fallait, nous nous féliciterions d’avoir ménagé nos forces… les vôtres surtout… Mon seul regret est qu’il ait été impossible de se procurer une monture, ce qui vous eût épargné un voyage à pied…

— Merci, monsieur Helloch, répondit Jeanne. Ce mot est le seul qui puisse répondre à tout ce que vous faites pour moi !… Et vraiment, à y bien réfléchir, en présence des difficultés que je n’avais pas voulu voir au début, je me demande comment mon sergent et son neveu auraient pu atteindre leur but, si Dieu ne vous avait pas mis sur notre route !… Et pourtant… vous ne deviez pas aller au-delà de San-Fernando…

— Je devais aller où allait mademoiselle de Kermor, et il est bien évident que si j’ai entrepris ce voyage sur l’Orénoque, c’est que nous devions vous rencontrer en chemin !… Oui !… cela était écrit, mais ce qui est également écrit, c’est qu’il faut que vous vous en rapportiez à moi pour tout ce qui regarde ce voyage jusqu’à la Mission.

— Je le ferai, monsieur Helloch, et à quel plus sûr ami pourrais-je me fier ?… » répondit la jeune fille.