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TERRIBLES INQUIÉTUDES.

Pendant les quatre jours qui suivirent, les falcas remontèrent non sans de grands efforts le courant de l’Orénoque. À peine faisait-on une dizaine de kilomètres par vingt-quatre heures. Qu’importait ! Jeanne revenait rapidement à la santé, elle reprenait des forces, grâce aux aliments que lui préparait avec un extrême soin Germain Paterne. Jacques Helloch ne la quittait plus, et, en vérité, le sergent Martial avait fini par trouver cela tout naturel.

« C’était écrit ! se répétait-il. Mais mille et mille carambas de carambas, que dira mon colonel ? »

Bref, dès le lendemain, la convalescente put sortir du rouf entre midi et deux heures. Enveloppée d’une légère couverture, étendue sur une bonne literie d’herbes sèches à l’arrière de l’embarcation, elle respirait l’air vif et réconfortant des savanes.

La largeur du fleuve ne dépassait pas alors une trentaine de mètres. Le plus souvent, il fallait pousser les falcas au moyen des garapatos ou les haler à l’espilla. Il se rencontra quelques petits raudals assez difficiles, et l’eau était si basse, par endroits, qu’il fut question de débarquer le matériel des pirogues.

Par bonheur, on put éviter cette longue opération. En se mettant à l’eau, les hommes déchargèrent d’autant les pirogues, qui parvinrent à franchir les mauvaises passes. Ainsi fut-il fait au raudal de Manaviche, à celui de Yamaraquin, au pied des cerros Bocon, qui dominent le fleuve de plus de huit cents mètres.

Chaque soir, Jacques Helloch et le sergent Martial allaient chasser à travers les giboyeuses forêts de la rive, et ils rapportaient des chapelets de hoccos ou de pavas. Décidément, en ces provinces méridionales du Venezuela, la question de nourriture n’est pas pour préoccuper, si l’on aime le gibier, qui est de qualité supérieure, — et le poisson, dont fourmillent les eaux du grand fleuve.

La santé de Jeanne était rétablie maintenant. Elle n’avait plus ressenti le moindre mouvement de fièvre depuis l’emploi du coloradito. Il ne paraissait pas qu’une rechute fût à craindre, et il n’y avait qu’à laisser faire la nature, aidée de la jeunesse.