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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

palancas, dirigèrent vers la rive gauche la Gallinetta qui précédait la Moriche.

Du reste, après avoir lui aussi attentivement regardé le nuage de poussière, Jorrès était venu prendre sa place aux pagaies, sans montrer aucune inquiétude.

Mais si l’Espagnol n’était pas inquiet, les voyageurs avaient le droit de l’être, au cas qu’ils fussent menacés d’une rencontre avec Alfaniz et ses Indiens. De la part de ces bandits il n’y aurait à espérer aucune pitié.

Par bonheur, comme ils ne devaient pas avoir les moyens de traverser le fleuve, les pirogues, en se maintenant près de la rive gauche, seraient momentanément à l’abri de leur attaque.

Une fois là, Valdez et Parchal s’amarrèrent aux souches de la berge, et les passagers attendirent, leurs armes en état, prêts à la défensive.

Les trois cents mètres de l’Orénoque ne dépassaient pas la portée des carabines.

On n’attendit pas longtemps. Les volutes de poussière ne se déroulaient plus qu’à une vingtaine de pas du fleuve. Des cris en sortaient, ou plutôt des meuglements caractéristiques, auxquels il ne fut pas possible de se tromper.

« Eh ! rien à craindre !… Ce n’est qu’un troupeau de bœufs !… s’écria Valdez.

— Valdez a raison, ajouta Parchal. Plusieurs milliers de bêtes soulèvent toute cette poussière…

— Et font tout ce tapage ! » ajouta le sergent Martial.

Et ce tapage assourdissant, c’étaient bien des beuglements échappés de cette espèce de mascaret vivant, qui roulait à la surface des llanos.

Jean, que Jacques Helloch avait supplié de se mettre à l’abri sous le rouf de la Gallinetta, reparut alors, curieux de voir ce passage d’un troupeau à travers l’Orénoque.

Ces migrations de bœufs sont fréquentes sur les territoires du Ve-