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BŒUFS ET GYMNOTES.

verte de forêts impénétrables, les cerros Guaraco forment une berge naturelle, laissant la vue s’étendre largement à la surface des llanos de gauche, sillonnés par le cours capricieux et varié du Cassiquiare.

Les falcas marchaient donc sous petite brise, ayant parfois quelque peine à refouler le courant, lorsque, un peu avant midi, Jean signala un nuage très bas et très épais, qui se traînait en rasant la savane.

Parchal et Valdez vinrent examiner ce nuage, dont les lourdes et opaques volutes se déroulaient en gagnant peu à peu la rive droite.

Jorrès, debout à l’avant de la Gallinetta, promenait ses regards en cette direction, et cherchait à reconnaître la cause de ce phénomène.

« C’est un nuage de poussière », dit Valdez.

Cette opinion fut aussi celle de Parchal.

« Qui peut soulever cette poussière ? demanda le sergent Martial.

— Quelque troupe en marche, sans doute… répondit Parchal.

— Il faudrait alors qu’elle fût nombreuse… fit observer Germain Paterne.

— Très nombreuse, en effet ! » répliqua Valdez.

Le nuage, à deux cents mètres de la rive, s’avançait, avec rapidité. Il se déchirait parfois, et l’on voyait, semblait-il, des masses rougeâtres se mouvoir à travers ces déchirures.

« Est-ce que ce serait la bande des Quivas ?… s’écria Jacques Helloch.

— Dans ce cas, prudence, dit Parchal, ramenons les pirogues vers l’autre rive…

— Par prudence, oui, répliqua Valdez, et sans tarder d’un instant. »

La manœuvre fut ordonnée.

On amena les voiles, qui eussent gêné les falcas dans une marche oblique à travers le fleuve, et les hommes, appuyant sur leurs