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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

Le soir, on avait pu atteindre l’embouchure du rio Ventuari, un important tributaire de la rive droite. À peine était-il cinq heures, et il restait deux heures de jour. Toutefois, d’après le conseil de Valdez, on fit halte en cet endroit, car, au-dessus du Ventuari, le lit, obstrué de roches, présente une navigation difficile et dangereuse qu’il serait imprudent de tenter aux approches de la nuit.

Le repas fut pris en commun. Le sergent Martial n’y pouvait plus faire d’objections, maintenant que le secret de Jean était connu de ses deux compatriotes. Visiblement même, Jacques Helloch et Germain Paterne apportaient une extrême réserve dans leurs rapports avec la jeune fille. Ils se seraient reprochés de la gêner par trop d’assiduité, — Jacques Helloch surtout. Si ce n’était pas de l’embarras, c’était du moins un sentiment particulier qu’il éprouvait, lorsqu’il se trouvait en présence de Mlle de Kermor. Celle-ci n’aurait pu ne point s’en apercevoir, mais elle ne voulait y prendre garde. Elle agissait avec la même franchise, la même simplicité qu’autrefois. Elle invitait les deux jeunes gens à se réunir dans sa pirogue, le soir venu. Puis, l’on causait des incidents de la navigation, des éventualités que présentait l’avenir, des chances de succès, des renseignements qui seraient sans doute recueillis à la Mission de Santa-Juana.

« Et c’est de bon augure qu’elle porte ce nom, fit alors observer Jacques Helloch. Oui ! de bon augure, puisque c’est précisément votre nom… mademoiselle…

— Monsieur Jean… s’il vous plaît… monsieur Jean ! interrompit la jeune fille en souriant, tandis que se fronçait le gros sourcil du sergent Martial.

— Oui… monsieur Jean ! » répondit Jacques Helloch, après avoir indiqué du geste qu’aucun des mariniers de la falca n’avait pu l’entendre.

Ce soir-là, la conversation s’engagea sur cet affluent à l’embouchure duquel les pirogues avaient pris leur poste de nuit.

C’est un des plus considérables de l’Orénoque. Il lui verse une