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PREMIÈRE ÉTAPE.

à la belle étoile, et les étoiles sont toujours belles au firmament vénézuélien quand elles ne sont pas voilées de nuages. Il est vrai, les passagers s’étaient contentés jusqu’alors de l’abri des roufs à bord de leurs pirogues, et ils ne pensèrent pas qu’il y eût lieu de les abandonner.

En effet, outre que les dormeurs risquent d’être surpris par des averses soudaines et violentes, assez communes en ces contrées, d’autres éventualités peuvent se produire, qui ne sont pas moins inquiétantes.

C’est ce que firent observer, ce soir-là, les deux patrons Valdez et Parchal.

« Si cela défendait contre les moustiques, expliqua le premier, mieux vaudrait camper. Mais les moustiques sont aussi malfaisants sur la berge que sur le fleuve…

— En outre, ajouta Parchal, on est exposé aux fourmis, dont les piqûres vous donnent des heures de fièvre.

— Ne sont-ce pas celles qu’on appelle « veinte y cuatro », demanda Jean, très renseigné par la lecture assidue de son guide.

— Précisément, répondit Valdez, sans compter les chipitas, des petites bêtes qu’on distingue à peine, qui vous dévorent de la tête aux pieds, les termites, si insupportables qu’ils obligent les Indiens à fuir leurs cases…

— Et sans compter les chiques, ajouta Parchal, et aussi ces vampires, qui vous sucent le sang jusqu’à la dernière goutte…

— Et sans compter les serpents, amplifia Germain Paterne, des culebra mapanare et autres, longs de plus de six mètres !… Je leur préfère encore les moustiques…

— Et moi je n’aime ni les uns ni les autres ! » déclara Jacques Helloch.

Tous furent de cet avis. Aussi, le couchage à bord des falcas devait-il être maintenu, tant que quelque orage, un coup de chubasco, par exemple, n’obligerait pas les passagers à chercher refuge sur les berges.