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SAN-FERNANDO.

— Dans quel intérêt ?… demanda M. Mirabal.

— Mon père avait éprouvé de grands chagrins, répondit le jeune garçon, dont le cœur battait avec violence. Après la mort de ma pauvre mère, il s’est cru seul au monde…

— Mais vous… mon cher enfant ?…

— Il me croyait mort aussi… » répondit Jean, tandis que le sergent Martial ne cessait de gronder dans son coin.

Il était visible que cette sorte d’interrogatoire ne lui plaisait en aucune façon. Cela touchait à certains points qu’il avait toujours voulu tenir dans l’ombre en ce qui concerne le passé de son prétendu neveu.

Ni M. Mirabal, ni Jacques Helloch n’insistèrent. En somme, le colonel de Kermor, éprouvé par tant de malheurs, avait cru devoir partir secrètement, — si secrètement que son ancien compagnon d’armes n’en avait rien su. Donc il n’était pas impossible qu’il eût changé de nom, ne voulant pas que l’on pût jamais découvrir l’endroit où il avait été réfugier une vie brisée par tant d’épreuves !

Le sergent Martial et le jeune garçon prirent alors congé de M. Mirabal, et se retirèrent, profondément attristés tous les deux. Mais enfin le vieillard leur avait promis de s’enquérir de tout ce qui aurait pu se rapporter au colonel de Kermor, et nul doute qu’il tiendrait sa promesse.

Après avoir regagné l’auberge, le sergent Martial et Jean n’en sortirent plus de la journée.

Le lendemain, sur la présentation de M. Miguel, Jean eut une entrevue avec le gouverneur de cette province de l’Orénoque.

Son Excellence ne put rien lui apprendre de relatif à son père. D’ailleurs, il ne résidait à San-Fernando que depuis cinq années. Mais, s’il ne pouvait renseigner le jeune garçon, il se joindrait à M. Mirabal pour l’enquête dont celui-ci s’était chargé.

Cette seconde journée s’écoula sans que la question eût fait un pas. Le sergent Martial ne décolérait plus !… Être venu si loin, avoir couru tant de dangers en pure perte !… Comment avait-il été assez