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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

Voilà une éventualité qui aurait extrêment contrarié — pour ne pas dire plus — le sergent Martial. Il est vrai, l’hospitalité offerte aux deux Français n’eût jamais duré que quelques heures.

Après s’être tirés des dangers du raudal d’Aji, les mariniers ne furent pas moins heureux au passage de celui de Castillito, — le dernier qui puisse gêner la navigation du fleuve en aval de San-Fernando.

Le déjeuner achevé, vers midi, Jacques Helloch vint à l’avant de la Moriche fumer un cigare.

À son vif regret, il dut constater que Valdez ne s’était pas trompé dans ses prévisions. La brise mourait, et les voiles impuissantes ne permettaient pas même d’étaler le courant. Parfois, sous une légère velée qui les gonflait, les pirogues gagnaient quelques encablures vers l’amont.

Il était évident que l’état atmosphérique menaçait d’être troublé à bref délai. Au sud, les nuages grisâtres, veinés de teintes fuligineuses, comme un pelage de fauve, barraient l’horizon. De longues queues échevelées s’éparpillaient au loin. Le soleil, qui, à l’heure de sa culmination, passait au zénith, ne tarderait pas à disparaître derrière cet épais voile de vapeurs.

« Tant mieux ! dit alors Germain Paterne, dont les joues hâlées se perlaient de gouttes de sueur.

— Tant pis ! répondit Jacques Helloch. Il serait préférable de fondre en eau plutôt que d’être menacé d’un orage en cette partie du fleuve, où je ne vois aucun refuge.

— On ne respire plus, disait alors M. Felipe à ses collègues, et, si le vent tombe, nous allons être suffoqués…

— Savez-vous ce que le thermomètre indique à l’intérieur du rouf ?… répliqua M. Varinas. Trente-sept degrés, et s’il monte un tant soi peu, nous serons sur les limites mêmes de la cuisson !

— Je n’ai jamais eu aussi chaud ! » se contenta de répondre M. Miguel, en s’épongeant le front.

Chercher abri sous les roufs était devenu impossible. Au moins, à l’arrière des pirogues, pouvait-on respirer quelques souffles d’air,