Page:Verne - Le Superbe Orénoque, Hetzel, 1898.djvu/21

Cette page a été validée par deux contributeurs.
13
M. MIGUEL ET SES DEUX COLLÈGUES.

permanente qui compte six mille soldats et dont l’état-major a possédé jusqu’à sept mille généraux, sans parler des officiers supérieurs, ainsi que l’établit Élisée Reclus, toujours si parfaitement documenté sur ces curiosités ethnographiques.

Ils n’en demandaient pas tant, MM. Miguel, Felipe et Varinas. C’est à leur frais qu’ils voyageraient, sans autre escorte que les péons, les llaneros, les mariniers, les guides qui séjournent le long des rives du fleuve. Ils feraient ce que bien d’autres pionniers de la science avaient fait avant eux. D’ailleurs, ils ne devaient pas dépasser la bourgade de San-Fernando, bâtie au confluent de l’Atabapo et du Guaviare. Or, c’est principalement sur les territoires traversés par le haut cours du fleuve qu’il y a plutôt lieu de redouter l’attaque des Indiens, ces tribus indépendantes, si difficiles à contenir et auxquelles on attribue, non sans raison, des massacres et des pillages dont on ne saurait être surpris en un pays qui fut autrefois peuplé de Caraïbes.

Sans doute, en aval de San-Fernando, vers l’embouchure du Meta, sur les territoires de l’autre rive, il ne fait pas bon rencontrer certains Guahibos, toujours réfractaires aux lois sociales, et ces Quivas dont la réputation de férocité n’était que trop justifiée par leurs attentats en Colombie, avant qu’ils se fussent transportés aux rives de l’Orénoque.

Aussi, à Ciudad-Bolivar, n’était-on pas sans quelque inquiétude sur le sort de deux Français partis depuis un mois environ. Après avoir remonté le cours du fleuve, et dépassé le confluent du Meta, ces voyageurs s’étaient aventurés à travers ce pays des Quivas et des Guahibos, et l’on ne savait ce qu’ils étaient devenus.

Il est vrai, le cours supérieur de l’Orénoque, moins connu d’ailleurs, soustrait par son éloignement même à l’action des autorités vénézuéliennes, dépourvu de tout commerce, livré aux bandes errantes des indigènes, est encore infiniment plus redoutable. En réalité, si les Indiens sédentaires, à l’ouest et au nord du grand fleuve, sont de mœurs plus douces, se livrant à des travaux agricoles, il n’en va pas