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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

jours et demi de San-Fernando. En quatre-vingts heures, s’il ne leur survenait aucun retard, — même si le temps ne les favorisait pas, — ils devaient être rendus au terme de leur voyage.

La navigation fut reprise dans les conditions ordinaires, — à la voile lorsque la brise le permettait, — à la palanca et au garapato, lorsque les pirogues pouvaient profiter des remous dus aux nombreux coudes du fleuve, — à l’espilla, quand les perches ne parvenaient pas à vaincre la force du courant.

La température se tenait à un haut degré. Des nuages orageux traînaient lourdement, se résolvant parfois en grosse pluie tiède. Puis, un ardent soleil leur succédait, et il fallait s’abriter sous les roufs. En somme, le vent était faible, intermittent, et ne suffisait pas à rafraîchir cette dévorante atmosphère.

Des rios nombreux affluaient au fleuve, surtout par sa rive gauche, — rios innomés, dont le lit devait se tarir pendant la saison sèche. Du reste, Germain Paterne ne plaida pas en leur faveur, et ils ne méritaient pas la visite des géographes.

On rencontra, à plusieurs reprises, des canots montés par ces Piaroas qui occupent d’habitude la rive droite de cette partie de l’Orénoque.

Ces Indiens accostaient familièrement les pirogues et offraient leurs services pour les dures manœuvres de l’espilla. On les acceptait sans hésiter, et ils se contentaient pour toute rétribution de morceaux d’étoffe, de verroteries, de cigares. Ce sont, — eux aussi, — d’habiles mariniers, recherchés pour le passage des rapides.

Ce fut donc avec une escorte d’une demi-douzaine de curiares que la flottille accosta le village d’Augustino, situé sur la rive droite, et dont M. Chaffanjon ne parle point, pour cette bonne raison qu’il n’existait pas lors de son voyage.

Du reste, en général, ces Indiens ne sont pas sédentaires. De même qu’ils abandonnent le canot d’écorce dont ils ont eu besoin pour traverser une rivière, ils abandonnent la case qu’ils ont dressée comme une tente et pour quelques jours.