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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

n’était point indiscrétion de sa part, et, en somme, le sujet qu’ils traitaient n’avait rien de bien intime.

Il était indéniable, quoique le sergent Martial eût tout fait pour y mettre obstacle, que, depuis leur rencontre, Jacques Helloch n’avait négligé aucune occasion de témoigner la plus vive sympathie à Jean de Kermor. Que celui-ci s’en fût aperçu, nul doute, et, à cette sympathie, comment répondait-il ?… S’abandonnait-il, comme on eût pu l’attendre d’un jeune garçon de son âge envers ce compatriote si serviable qui lui portait tant d’intérêt, qui faisait des vœux si ardents pour la réussite de ses projets, qui se mettait à sa disposition dans la mesure du possible ?…

Non, et cela pouvait même sembler assez bizarre. Quelque touché que pût être Jean, quelque reconnaissant qu’il dût se montrer envers Jacques Helloch, il gardait une extrême réserve vis-à-vis de lui, — non point parce que le sergent Martial l’aurait grondé, s’il en eût été autrement, mais par suite de son caractère discret, toujours empreint d’une certaine timidité.

Et, lorsque le moment de se séparer serait venu, lorsque Jean quitterait San-Fernando s’il lui fallait continuer ses recherches, lorsque Jacques Helloch reprendrait la route du retour, oui ! Jean serait très affecté de cette séparation… Peut-être même se dirait-il que si Jacques Helloch lui eût servi de guide, il aurait plus sûrement atteint son but…

Et ne fut-il pas très ému, quand, à la fin de cette conversation, à laquelle il prêtait une complaisante oreille, il entendit Jacques Helloch dire à son camarade :

« Et puis, Germain, il y a ce jeune garçon que le hasard a mis sur notre route, et auquel je m’intéresse… Est-ce qu’il ne t’inspire pas une profonde sympathie ?…

— Profonde, Jacques !

— Car plus j’y réfléchis, Germain, s’il a raison d’obéir au sentiment filial qui lui a fait entreprendre ce voyage, plus je crains qu’il se trouve bientôt aux prises avec de telles difficultés et de tels dan-