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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

moins délabrées de ces paillotes, où chaque groupe put tant bien que mal s’installer.

Au total, si ce village n’offrait aucun confort, s’il y avait lieu de regretter les roufs des pirogues, il jouissait d’un avantage des plus appréciables. Pas un seul moustique ! Pourquoi ces insupportables insectes le fuyaient-ils ?… on l’ignorait, et Germain Paterne ne put s’expliquer à ce sujet. Ce qui est certain, c’est que, la nuit venue, le sergent Martial fut dispensé d’abriter son neveu sous le toldo habituel.

Toutefois, à défaut de moustiques, il y a, en quantité, de ces niguas ou chiques dont les Indiens ont particulièrement à souffrir sur ces rives du fleuve.

En effet, ces indigènes marchent pieds nus, or, la piqûre de ces chiques est extrêmement douloureuse. En s’introduisant sous la peau, elles produisent la tuméfaction des parties atteintes. On ne peut les extraire qu’au moyen d’une pointe, et l’opération ne se pratique pas sans difficulté ni douleur.

Inutile de dire qu’au dîner du soir, — qui fut pris en commun sous un bouquet d’arbres, — l’aluate tué par M. Miguel et cuit à petit feu, figura comme plat de résistance…

« Eh bien, s’écria M. Felipe, n’est-ce pas un rôti de premier choix ?…

— Excellent, ce quadrumane, affirma M. Miguel, et il mériterait la place d’honneur sur une table européenne !

— C’est mon avis, répondit Jacques Helloch, et nous devrions en expédier quelques douzaines aux restaurants parisiens…

— Et pourquoi ces bêtes-là ne vaudraient-elles pas le veau, le bœuf ou le mouton, observa Germain Paterne, puisqu’elles ne se nourrissent que de végétaux d’un parfum exquis ?…

— Seulement, répondit M. Varinas, le difficile est de les approcher d’assez près pour les tirer avec avantage.

— Nous en savons quelque chose, répliqua M. Miguel, puisque, je le répète, celui-ci est le premier…