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À L’EMBOUCHURE DU META.

C’est alors que lui vint à l’esprit cette réflexion si naturelle, que chacun eût faite, d’ailleurs.

Si le sergent Martial n’est pas le parent, dit-il, Jean ne peut pas davantage être le fils du colonel de Kermor, puisque le colonel n’a jamais eu qu’une fille, et que cette enfant a péri, toute petite encore, dans ce naufrage qui avait coûté la vie à sa mère…

« C’est évident, déclara Germain Paterne. Il est impossible que ce jeune garçon soit le fils du colonel…

— Et pourtant… il dit l’être », ajouta Jacques Helloch.

Il y avait certainement là quelque chose de très obscur, de très mystérieux même. Était-il admissible que ce jeune garçon fût victime d’une erreur, — une erreur qui l’aurait engagé en une si périlleuse aventure… ? Non, assurément. Le sergent Martial et son prétendu neveu devaient, au sujet du colonel de Kermor et des liens qui l’unissaient à Jean, s’appuyer sur une certitude en contradiction avec les renseignements de Germain Paterne. Au total, l’intérêt que Jacques Helloch portait au jeune garçon ne put que s’accroître par tout ce que la situation offrait d’inexplicable.

Les deux amis continuèrent à discuter jusqu’au moment où, — vers onze heures, — MM. Miguel et Felipe, laissant dormir le farouche champion du Guaviare, vinrent les relever de leur garde.

« Vous n’avez rien vu de suspect ?… demanda M. Miguel, debout à l’arrière de la Maripare.

— Absolument rien, monsieur Miguel, répondit Jacques Helloch. Les rives et le fleuve sont tranquilles…

— Et il est probable, ajouta Germain Paterne, que votre faction ne sera pas plus troublée que la nôtre.

— Alors, bonne nuit, messieurs », répondit M. Felipe en leur serrant la main d’un bord à l’autre.

Très probablement, si M. Miguel et son collègue employèrent à causer les quelques heures confiées à leur surveillance, cette conversation n’eut aucun rapport avec celle de Jacques Helloch et de