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À L’EMBOUCHURE DU META.

Celui-ci se releva, rampa vers l’avant de la pirogue, prêta l’oreille, parcourut du regard la surface du fleuve depuis la rive opposée jusqu’à l’embouchure du Meta.

« Je ne vois rien, dit-il à Germain Paterne qui l’avait suivi, et pourtant… Oui… ajouta-t-il, après avoir écouté plus attentivement, il se fait comme un bruit sur les eaux…

— Ne serait-il pas prudent de réveiller nos équipages ?…

— Attends… Ce bruit n’est pas celui d’un canot qui s’approche… Peut-être est-ce les eaux du Meta et de l’Orénoque qui s’entrechoquent à leur confluent…

— Tiens… tiens… là ! » dit Germain Paterne.

Et il indiquait de gros points noirs, lesquels se mouvaient à une centaine de pieds en aval des falcas.

Jacques Helloch vint prendre sa carabine, déposée près du rouf, et se pencha au-dessus du bord.

« Ce n’est pas une embarcation, dit-il, et cependant, je crois voir… »

Il venait d’épauler son arme, lorsque Germain Paterne l’arrêta d’un geste.

« Ne tire pas… ne tire pas !… répéta-t-il. Il ne s’agit point de Quivas en quête de pillage !… Ce sont d’honnêtes amphibies qui viennent respirer à la surface du fleuve…

— Des amphibies ?…

— Oui… trois ou quatre de ces lamantins et de ces toninos, hôtes habituels de l’Orénoque… »

Germain Paterne n’avait point fait erreur. Ce n’étaient que des couples de ces vaches marines, — les lamantins, — et de ces toninos, — les cochons de mer, — qui se rencontrent fréquemment dans les fleuves et les rivières du Venezuela.

Ces inoffensifs amphibies s’approchaient lentement des pirogues ; mais, saisis de peur, sans doute, ils disparurent presque aussitôt.

Les deux jeunes gens regagnèrent leur place à l’arrière, et la conversation, un moment interrompue, recommença en ces termes,