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UN NUAGE DE POUSSIÈRE À L'HORIZON.

— D’après ce que je connais de leurs projets, répondit M. Marchal, ils ont dû se diriger vers la sierra Matapey, à l’est de l’Orénoque, contrée peu connue, et que les Yaruros ou les Mapoyos sont seuls à parcourir. Vos deux compatriotes et le chef de l’escorte étaient à cheval, les autres Indiens, au nombre d’une demi-douzaine, les accompagnaient à pied en portant les sacs.

— Est-ce que le pays à l’est de l’Orénoque est sujet aux inondations ?… demanda Jean de Kermor.

— Non, répondit M. Miguel, et la surface de ses llanos est sensiblement au-dessus du niveau de la mer.

— En effet, monsieur Miguel, ajouta le chef civil, mais il est sujet aux tremblements de terre, et vous savez qu’ils ne sont pas rares au Venezuela.

— En tout temps ?… dit le jeune garçon.

— Non, déclara M. Marchal, à certaines époques, et, précisément, depuis un mois, nous avons ressenti d’assez violentes secousses jusqu’au hato de la Tigra. »

On a reconnu, en effet, que le sol vénézuélien est souvent troublé par les poussées volcaniques, bien que ses montagnes n’aient point de cratères en activité. Humboldt a même pu l’appeler « le pays des tremble-terre par excellence ». Et cette appellation n’était-elle pas justifiée par la destruction de la ville de Cumana au seizième siècle, qui fut renversée de nouveau cent cinquante ans après, et dont les environs « tremblèrent » pendant quinze mois ? Est-ce qu’une autre ville du territoire des Andes, Mesida, n’a pas été cruellement éprouvée par ces terribles commotions ? En 1812, douze mille habitants ne furent-ils pas écrasés sous les ruines de Caracas ? Ces désastres, qui ont fait des milliers de victimes, sont donc toujours à redouter pour ces provinces hispano-américaines, et il était vrai que, depuis quelque temps, on sentait le sol frémir dans la contrée orientale du moyen Orénoque.

Lorsque tout eut été demandé et répondu au sujet des deux Français, M. Marchal fut conduit à interroger le sergent Martial et son neveu.