serait dans trois jours en vue du port. D’ailleurs, telle est l’altitude de la principale île du groupe que, par beau temps, on l’aperçoit d’une grande distance.
Ce jour-là, entre dix et onze heures du matin, je me promenais de l’avant à l’arrière, du côté du vent. Nous glissions légèrement à la surface d’une mer ondulée, un peu clapoteuse. Il semblait que l’Halbrane fût un énorme oiseau — un de ces gigantesques albatros signalés par Arthur Pym, — qui déployait sa large envergure et emportait tout un équipage à travers l’espace. Oui ! Pour un esprit imaginatif, ce n’était plus de la navigation, c’était du vol, et le battement des voiles, c’était le battement des ailes !
Jem West, debout près du guindeau, abrité de la trinquette, sa longue-vue aux yeux, regardait sous le vent par bâbord un objet flottant à deux ou trois milles que plusieurs matelots, penchés au-dessus des bastingages, montraient du doigt.
C’était une masse de dix à douze yards superficiels, irrégulièrement formée, relevée à sa partie centrale par une tumescence d’un vif éclat. Cette masse montait et descendait au gré des lames qui se déplaçaient dans la direction du nord-ouest.
Je me rendis vers la lisse de l’avant, et j’observai attentivement cet objet.
À mon oreille arrivaient les propos des marins, toujours intéressés par les moindres apports de la mer.
« Ce n’est point une baleine, déclara le maître-voilier Martin Holt. Elle aurait déjà soufflé une ou deux fois depuis le temps que nous l’examinons !
— Bien sûr, il ne s’agit pas d’une baleine, affirma Hardie, le maître-calfat. Peut-être est-ce quelque carcasse de navire abandonné…
— Le diable l’envoie par le fond ! s’écria Rogers. Allez donc vous jeter là-dessus pendant la nuit ! Il y aurait de quoi se crever les joues et couler sans avoir eu le temps de se reconnaître !
— Je te crois, ajouta Drap, et ces épaves-là, c’est plus dangereux