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le sphinx des glaces

« Hein ! vous le voyez !… Notre difficultueux capitaine a fini par vous accepter… Et à qui devez-vous cela, si ce n’est à ce brave homme de bosseman, qui vous a servi de son mieux et n’a point surfait son influence ?… »

Était-ce la vérité ?… J’avais de fortes raisons pour ne pas l’admettre sans grande réserve. Peu importait, après tout. L’Halbrane allait lever l’ancre et j’étais à bord.

Le capitaine Len Guy se montra presque aussitôt sur le pont. Ce dont je ne songeai point à m’étonner autrement, c’est qu’il ne parut même pas remarquer ma présence.

Les préparatifs de l’appareillage étaient commencés, voiles retirées de leurs étuis, manœuvres prêtes, drisses et écoutes parées. Le lieutenant, à l’avant, surveillait le virage du cabestan, et l’ancre ne tarderait pas de venir à pic.

Maître Atkins s’approcha alors du capitaine Len Guy et, d’une voix engageante :

« À l’année prochaine ! dit-il.

— S’il plaît à Dieu, monsieur Atkins ! »

Leurs mains se pressèrent. Puis le bosseman vint à son tour vigoureusement serrer celle de l’aubergiste du Cormoran-Vert, que le canot ramena à quai.

À huit heures, dès que le jusant fût bien établi, l’Halbrane éventa ses basses voiles, prit les amures à bâbord, évolua pour redescendre la baie de Christmas-Harbour sous une petite brise de nord, et, une fois au large, mit le cap au nord-ouest.

Avec les dernières heures de l’après-midi disparurent les cimes blanches du Table-Mount et de l’Havergal, sommets aigus, qui s’élèvent, l’un à deux, l’autre à trois mille pieds au-dessus du niveau de la mer.