Page:Verne - Le Sphinx des Glaces, 1897.djvu/486

Cette page a été validée par deux contributeurs.
442
le sphinx des glaces

En vérité, je ne saurais trop faire l’éloge de ce brave homme d’Hurliguerly, et l’on se réconfortait rien qu’à l’entendre répéter de sa voix rassurante :

« Nous arriverons à bon port, mes amis, nous arriverons !… Et, si vous comptez bien, vous verrez que pendant notre voyage, le chiffre des bonnes chances l’a emporté sur celui des mauvaises !… Oui !… je le sais… Il y a la perte de notre goélette !… Pauvre Halbrane, enlevée dans les airs comme un ballon, puis précipitée dans l’abîme comme une avalanche !… Mais, par compensation, il y a l’ice-berg qui nous a conduits à la côte, et le canot tsalalais qui nous a rejoints avec le capitaine William Guy et ses trois compagnons !… Et soyez sûrs que ce courant et cette brise, qui nous ont poussés jusqu’ici, nous pousseront plus loin encore !… Il me semble bien que la balance est en notre faveur !… Avec tant d’atouts dans son jeu, il n’est pas possible de perdre la partie !… Un seul regret, c’est que nous allons être rapatriés en Australie ou à la Nouvelle-Zélande, au lieu d’aller jeter l’ancre aux Kerguelen, près du quai de Christmas-Harbour, devant le Cormoran-Vert !… »

Gros désappointement, en effet, pour l’ami de maître Atkins, bien fâcheuse éventualité, dont nous prendrions aisément notre parti, cependant !

Durant huit jours, cette route a été maintenue sans aucun écart, ni à l’ouest ni à l’est, et ce fut seulement à la date du 21 mars, que le Paracuta perdit sur bâbord la vue d’Halbrane-Land.

Je donne toujours ce nom à cette terre, puisque son littoral se prolongeait sans discontinuité jusqu’à cette latitude, et il n’était pas douteux pour nous qu’elle constituait un des vastes continents de l’Antarctide.

Il va sans dire que si le Paracuta cessa de la suivre, c’est que le courant portait au nord, alors qu’elle s’écartait, en s’arrondissant vers le nord-est.

Bien que les eaux de cette portion de mer fussent libres encore, elles charriaient néanmoins une véritable flottille d’ice-bergs ou d’ice--