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le sphinx des glaces

L’obscurité était assez profonde pour qu’il ne me fût pas aisé de le reconnaître. Mais, à sa voix, à son chuchotement caractéristique, pas d’erreur possible. Le capitaine Len Guy était devant moi.

« Monsieur Jeorling, me dit-il, c’est demain que l’Halbrane doit mettre à la voile… demain matin… avec le jusant…

— À quoi bon me le faire savoir, répliquai-je, puisque vous refusez…

— Monsieur… j’ai réfléchi, et si vous n’avez pas changé d’idée, trouvez-vous à bord à sept heures…

— Ma foi, capitaine, répondis-je, je ne m’attendais guère à ce revirement de votre part…

— J’ai réfléchi, je vous le répète, et j’ajoute que l’Halbrane fera directement route sur Tristan d’Acunha, — ce qui vous convient… je suppose ?…

— C’est au mieux, capitaine. Demain matin, à sept heures, je serai à bord…

— Où votre cabine est préparée.

— Quant au prix du passage… dis-je.

— Nous le réglerons plus tard, répliqua le capitaine Len Guy, et à votre satisfaction. À demain donc…

— À demain. »

Mon bras s’était tendu vers cet homme bizarre pour sceller notre engagement. Sans doute, l’obscurité l’empêcha de voir ce geste, car il n’y répondit pas, et, s’éloignant d’un pas rapide, il rejoignit son canot, qui le ramena en quelques coups d’aviron.

Très surpris, je l’étais, et maître Atkins le fut au même degré que moi, lorsque, de retour dans la salle du Cormoran-Vert, je l’eus mis au courant.

« Allons, me répondit-il, ce vieux renard d’Hurliguerly avait décidément raison !… Cela n’empêche pas que son diable de capitaine ne soit plus capricieux qu’une fille mal élevée !… Pourvu qu’il ne change pas d’idée au moment de partir ! »

Hypothèse inadmissible, et, en y réfléchissant, je pensai que cette