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le sphinx des glaces

Qu’étaient devenus les dix manquants ?… Avaient-ils été entraînés au large ?…

Des perquisitions furent faites le long du littoral, au fond des criques, entre les écueils… On ne trouva rien, — ni les traces d’un campement, ni même les vestiges d’un débarquement.

« Il faut, dit William Guy, que leur canot ait été abordé en mer par un ice-berg en dérive… La plupart des compagnons de Hearne se seront noyés, et ces trois corps sont venus à la côte, déjà privés de vie…

— Mais, demanda le bosseman, comment expliquer que l’embarcation soit dans un tel état…

— Et, surtout, ajouta Jem West, que toutes ses ferrures lui manquent ?…

— En effet, repris-je, il semble qu’elles ont été violemment arrachées… »

Laissant le Paracuta à la garde de deux hommes, nous remontâmes vers l’intérieur, afin d’étendre nos recherches sur un plus large rayon.

Nous approchions du massif, maintenant sorti des brumes et dont la forme s’accusait avec plus de netteté. C’était, je l’ai dit, à peu près celle d’un sphinx, — un sphinx de couleur fuligineuse, comme si la matière qui le composait eût été oxydée par les longues intempéries du climat polaire.

Et alors, une hypothèse surgit dans mon esprit, — une hypothèse qui expliquait ces étonnants phénomènes.

« Ah ! m’écriai-je, un aimant… Il y a là… là… un aimant… doué d’une force d’attraction prodigieuse !… »

Je fus compris, et, en un instant, la dernière catastrophe dont Hearne et ses complices avaient dû être victimes, s’illumina d’une terrible clarté.

Ce massif n’était qu’un aimant colossal. C’est sous son influence que les ligatures de fer du canot de l’Halbrane avaient été arrachées et projetées, comme si elles eussent été lancées par le ressort d’une