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le sphinx des glaces

Et cependant il était seul, ce quadrupède, et on pouvait l’accabler de pierres ou de flèches… Pourquoi donc des centaines de sauvages manifestaient-ils une pareille épouvante, pourquoi prenaient-ils la fuite, pourquoi paraissaient-ils ne pas oser se défendre contre l’animal qui s’élançait sur eux ?…

L’animal était blanc de poil, et, à sa vue, se produisait ce phénomène observé déjà, cette inexplicable horreur du blanc commune à tous les indigènes de Tsalal… Non ! on ne saurait se figurer avec quelle frayeur ils poussaient, avec leur tékéli-li, ces cris d’anamoo-moo et de lama-lama !

Et, quelle fut la surprise de William Guy et de ses compagnons, lorsqu’ils reconnurent le chien Tigre !…

Oui ! Tigre, qui, échappé à l’effondrement de la colline, s’était sauvé à l’intérieur de l’île… Et, après avoir rôdé aux alentours de Klock-Klock pendant quelques jours, le voici qui était revenu, jetant l’effroi parmi ces sauvages…

On se souvient que le pauvre animal avait déjà éprouvé les atteintes de l’hydrophobie dans la cale du Grampus ?… Eh bien, cette fois, il était enragé… oui ! enragé et menaçait de ses morsures toute cette population affolée…

Voilà pourquoi la plupart des Tsalalais avaient pris la fuite, et aussi leur chef Too-Wit et aussi les Wampos, qui étaient les principaux personnages de Klock-Klock !… Ce fut dans ces extraordinaires circonstances qu’ils abandonnèrent non seulement le village, mais l’île, où nulle puissance n’aurait pu les retenir, où ils ne devaient point remettre le pied !…

Cependant, si les canots suffirent à en transporter le plus grand nombre sur les îles voisines, plusieurs centaines d’indigènes avaient dû rester à Tsalal, faute de moyens de s’enfuir. Quelques-uns ayant été mordus par Tigre, des cas de rage s’étaient déclarés, après une assez courte période d’incubation. Alors — spectacle dont il est impossible de retracer l’horreur, — ils s’étaient précipités les uns sur les autres, ils s’étaient déchirés à coups de dents… Et les os-