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le sphinx des glaces

gueux de Hearne ne les devance pas, j’imagine que ses gens et lui trouveront la porte fermée, et comme ils n’auront pas de clef pour l’ouvrir…

— Ainsi, Hurliguerly, demandai-je, vous pensez que nous courons moins de dangers à hiverner sur cette côte que si nous avions pris place dans l’embarcation ?…

— Je le pense et l’ai toujours pensé, monsieur Jeorling ! répondit le bosseman. Et puis, savez-vous une chose ?… ajouta-t-il en employant sa formule habituelle.

— Dites, Hurliguerly.

— Eh bien, c’est que ceux qui montent le canot seront plus embarrassés que ceux qui ne le montent pas, et, je vous le répète, si le sort m’avait désigné, j’aurais cédé mon tour à un autre !… Voyez-vous, c’est déjà quelque chose que de sentir une terre solide sous son pied !… Après tout, bien que nous ayons été lâchement abandonnés, je ne veux la mort de personne… Mais si Hearne et les autres ne parviennent pas à franchir la banquise, s’ils sont condamnés à passer l’hiver au milieu des glaces, réduits à ces vivres dont ils n’ont que pour quelques semaines, vous savez le sort qui les attend !

— Oui… pire que le nôtre ! répondis-je.

— Et j’ajoute, dit le bosseman, qu’il ne suffit pas d’atteindre le cercle antarctique, et si les baleiniers ont déjà quitté les lieux de pêche, ce n’est pas une embarcation chargée et surchargée qui pourra tenir la mer jusqu’en vue des terres australiennes ! »

C’était bien mon avis, comme aussi l’avis du capitaine Len Guy et de Jem West. Servi par une navigation favorable, ne portant que ce qu’il pouvait porter, assuré de provisions durant plusieurs mois, enfin avec toutes les chances, peut-être le canot aurait-il été dans des conditions à effectuer ce voyage… En était-il ainsi ?… Non, assurément.

Pendant les jours suivants, 14, 15, 16 et 17 février, on acheva l’installation du personnel et du matériel.