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hallucinations.

Deux à trois minutes s’écoulèrent avant qu’il m’adressât la parole, et telle était sa préoccupation que je me demandais s’il m’avait vu…

Enfin, il s’appuya sur un bloc, et je pensai qu’il allait me parler de ce dont il parlait toujours : il n’en fut rien.

« Monsieur Jeorling, me dit-il, vous vous souvenez… dans votre cabine de l’Halbrane… je vous ai appris l’affaire… cette affaire du Grampus… »

Si je me souvenais !… Rien de ce qu’il m’avait raconté de cette épouvantable scène, dont il avait été le principal acteur, n’était sorti de ma mémoire.

« Je vous l’ai dit, continua-t-il, Parker ne se nommait pas Parker… Il se nommait Ned Holt… C’était le frère de Martin Holt…

— Je le sais, Dirk Peters, répondis-je. Mais pourquoi revenir sur ce triste sujet ?…

— Pourquoi, monsieur Jeorling ?… N’est-ce pas… vous n’en avez jamais rien dit à personne ?…

À personne ! affirmai-je. Comment aurais-je été assez mal avisé, assez imprudent pour dévoiler votre secret… un secret qui ne doit jamais sortir de notre bouche… un secret qui est mort entre nous ?…

— Mort… oui… mort ! murmura le métis. Et… pourtant… comprenez-moi… il me semble… dans l’équipage… on sait… on doit savoir quelque chose… »

Et, à l’instant, je rapprochai de ce dire ce que m’avait appris le bosseman d’une certaine conversation surprise par lui et dans laquelle Hearne excitait Martin Holt à demander au métis en quelles conditions avait succombé son frère à bord du Grampus. Est-ce qu’une partie de ce secret avait transpiré, ou cette appréhension n’existait-elle que dans l’imagination de Dirk Peters ?…

« Expliquez-vous, dis-je.

— Comprenez-moi, monsieur Jeorling… je ne sais guère m’exprimer… Oui… hier… je n’ai cessé d’y penser depuis… Hier, Martin