antarctique. Toutefois, si j’avais résolu de ne plus en parler au capitaine Len Guy, je ne laissais pas, à l’occasion, de pressentir là-dessus le bosseman.
Le plus souvent, sa besogne achevée, Hurliguerly venait me rejoindre, et nous causions, nous remontions dans nos souvenirs de voyage.
Un jour, comme nous étions assis au sommet de l’ice-berg, le regard fixé sur ce décevant horizon, il s’écria :
« Qui eût jamais pensé, monsieur Jeorling, lorsque l’Halbrane quittait les Kerguelen, que, six mois et demi après, à cette latitude, elle serait accrochée au flanc d’une montagne de glace !
— Cela est d’autant plus regrettable, répondis-je, que, sans cet accident, nous eussions atteint notre but, et nous aurions repris la route du retour.
— Je ne vais point à l’encontre, répliqua le bosseman, mais vous dites que nous aurions atteint notre but… Entendez-vous par là que nos compatriotes eussent été retrouvés ?…
— Peut-être, bosseman.
— Et moi je ne le crois guère, monsieur Jeorling, bien ce que fût le principal et même le seul objet de notre navigation à travers l’océan polaire…
— Le seul… oui… au début, insinuai-je. Mais, depuis les révélations du métis au sujet d’Arthur Pym…
— Ah !… cela vous tient toujours, monsieur Jeorling… comme ce brave Dirk Peters ?…
— Toujours, Hurliguerly, et il a fallu qu’un déplorable, un improbable accident vînt nous faire échouer au port…
— Je vous laisse vos illusions, monsieur Jeorling, et puisque vous croyez avoir échoué au port…
— Pourquoi non ?…
— Soit, et, dans tous les cas, c’est un fameux échouage ! déclara le bosseman. Au lieu de donner sur un honnête bas-fond, aller faire côte en l’air…