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l’ice-berg culbuté

cabines du capitaine Len Guy et du lieutenant, était arrachée de ses gonds. Le mât de hune et le mât de flèche étaient venus en bas, après la rupture des galhaubans, et on apercevait leur brisure toute fraîche à la hauteur du chouquet. Des débris de toutes sortes, les vergues, des espars, une partie de la voilure, des barils, des caisses, des cages à poules, devaient flotter à la base du massif et dériver avec lui.

Ce qu’il y avait de particulièrement inquiétant dans notre situation, c’est que, des deux embarcations de l’Halbrane, celle de tribord ayant été écrasée au moment de l’abordage, il ne restait que la seconde, — la plus grande, il est vrai, — encore suspendue par ses palans aux pistolets de tribord. Avant tout, il fallait la mettre en sûreté, car peut-être serait-elle notre unique moyen de salut.

De ce premier examen, il résultait que les bas mâts de la goélette étaient restés en place, et pourraient servir, si l’on parvenait à la dégager. Mais comment l’extraire de cette souille de glace, la rendre à son élément naturel, en un mot la « lancer » comme on lance un bâtiment à la mer ?…

Lorsque le capitaine Len Guy, le lieutenant, le bosseman et moi nous fûmes seuls, je les interrogeai à ce sujet.

« Que l’opération entraîne de gros risques, j’en conviens, répondit Jem West, mais puisqu’il est indispensable qu’elle se fasse, nous la ferons. Je pense qu’il sera nécessaire de creuser une sorte de lit jusqu’à la base de l’ice-berg…

— Et sans tarder d’un seul jour, ajouta le capitaine Len Guy.

— Vous entendez, bosseman ?… reprit Jem West. Dès aujourd’hui à la besogne.

— J’entends, et tout le monde s’y mettra, répondit Hurliguerly. Une observation, toutefois, si vous le permettez, capitaine…

— Laquelle ?…

— Avant de commencer le travail, visitons la coque, voyons quelles sont ses avaries et si elles sont réparables. À quoi servi-