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le sphinx des glaces

d’interrogation — de le placer en tête de ce chapitre VI de mon récit.

Ce mot, tombé du haut de notre mât de misaine, désignait-il une île ou un continent ?… Et continent ou île n’était-ce pas une déception qui nous y attendait ?… Seraient-ils là, ceux que nous étions venus chercher sous de telles latitudes ?… Et Arthur Pym, — mort, incontestablement mort, malgré les affirmations de Dirk Peters, — avait-il jamais mis le pied sur cette terre ?…

Lorsque ce cri retentit à bord de la Jane, le 17 janvier 1828, — journée pleine d’incidents, dit le journal d’Arthur Pym, — ce fut en ces termes :

« Terre par le bossoir de tribord ! »

Tel il aurait pu l’être à bord de l’Halbrane.

En effet, du même côté se dessinaient quelques contours, légèrement accusés au-dessus de la ligne du ciel et de la mer.

Il est vrai, cette terre, qui avait été ainsi annoncée aux marins de la Jane, c’était l’îlot Bennet, aride, désert, auquel succéda à moins d’un degré dans le sud l’île Tsalal, fertile alors, habitable, habitée, et sur laquelle le capitaine Len Guy avait espéré rencontrer ses compatriotes. Mais que serait-elle, pour notre goélette, cette inconnue de cinq degrés plus reculée dans les profondeurs de la mer australe ?… Était-ce là le but si ardemment désiré, si obstinément cherché ?… Là, les deux frères William et Len Guy tomberaient-ils dans les bras l’un de l’autre ?… L’Halbrane se trouvait-elle au terme d’un voyage dont le succès aurait été définitivement assuré par le rapatriement des survivants de la Jane ?…

Je le répète, il en était de moi comme du métis. Notre but n’était pas seulement ce but, — ni ce succès, notre succès. Toutefois, puisqu’une terre se présentait à nos yeux, il fallait la rallier d’abord… On verrait plus tard.

Ce que je dois mentionner avant tout, c’est que le cri amena une diversion immédiate. Je ne pensai plus à la confidence que Dirk Peters venait de me faire, — et peut-être le métis l’oublia-t-il,