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une embardée.

— Ma foi, c’est lui surtout que nos hommes me paraissent accuser de la prolongation du voyage !… Sans doute, monsieur Jeorling, si vous y êtes pour une bonne part, laissez-moi dire le mot… vous payez et payez bien… tandis que ce cabochard de Dirk Peters s’entête à soutenir que son pauvre Pym vit encore… alors qu’il est noyé, ou gelé, ou écrasé… enfin mort d’une façon quelconque depuis onze ans !… »

C’était tellement mon avis que je ne discutais plus jamais avec le métis à ce sujet.

« Voyez-vous, monsieur Jeorling, reprit le bosseman, au commencement de la traversée, Dirk Peters inspirait quelque curiosité. Puis ce fut de l’intérêt, après qu’il eut sauvé Martin Holt… Certes, il ne devint pas plus familier ni plus causeur qu’auparavant, et l’ours ne sortit guère de son trou !… Mais, à présent, on sait ce qu’il est… et, ma foi, cela ne l’a pas rendu plus sympathique !… Dans tous les cas, c’est en parlant d’un gisement de terres au sud de l’île Tsalal, qu’il a décidé notre capitaine à pousser la goélette dans cette direction, et si actuellement elle a dépassé le quatre-vingt-sixième degré de latitude, c’est à lui qu’on le doit…

— J’en conviens, bosseman.

— Aussi, monsieur Jeorling, je crains toujours qu’on essaie de lui faire un mauvais parti !…

— Dirk Peters se défendrait, et je plaindrais celui qui oserait le toucher du bout du doigt !

— D’accord, monsieur Jeorling, d’accord, et il ne ferait pas bon d’être pris entre ses mains qui courberaient des plaques de tôle ! Pourtant, tous contre lui, on arriverait à le souquer ferme, je suppose, à le bloquer à fond de cale…

— Enfin nous n’en sommes pas là, je l’espère, et je compte sur vous, Hurliguerly, pour prévenir toute tentative contre Dirk Peters… Raisonnez vos hommes… Faites leur comprendre que nous avons le temps de revenir aux Falklands avant la fin de la belle saison… Il ne faut pas que leurs récriminations fournissent à notre