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le sphinx des glaces

« Et qui sont de cette année ! m’écriai-je. Aucun hiver austral n’a passé sur elles…

— Je suis de votre avis, monsieur Jeorling, répliqua Hurliguerly. Mais n’est-il pas possible qu’elles aient poussé là depuis le grand déchiquetage du groupe ?…

— Cela me paraît inadmissible », répondis-je, en homme qui ne veut pas démordre de son idée.

En maint endroit végétaient aussi quelques maigres arbustes, sortes de coudriers sauvages, et Dirk Peters en détacha une branche imprégnée de sève.

À cette branche pendaient des noisettes, — pareilles à celles que son compagnon et lui avaient mangées lors de leur emprisonnement entre les fissures de la colline de Klock-Klock et au fond de ces gouffres hiéroglyphiques dont nous n’avions plus trouvé vestige à l’île Tsalal.

Dirk Peters tira quelques-unes de ces noisettes de leur gousse verte, et il les fit craquer sous ses puissantes dents qui eussent broyé des billes de fer.

Ces constatations faites, nul doute ne pouvait subsister sur la date du cataclysme, postérieure au départ de Patterson. Ce n’était donc pas à ce cataclysme qu’était dû l’anéantissement de cette partie de la population tsalalaise dont les ossements jonchaient les environs du village. Quant au capitaine William Guy et aux cinq matelots de la Jane, il nous paraissait démontré qu’ils avaient pu fuir à temps, puisque le corps d’aucun d’eux n’avait été retrouvé sur l’île.

Où avaient-ils eu la possibilité de se réfugier, après avoir abandonné Tsalal ?…

Tel était le point d’interrogation sans cesse dressé devant notre esprit, et quelle réponse obtiendrait-il ?… À mon avis, pourtant, il ne me semblait pas le plus extraordinaire de tous ceux qui surgissaient à chaque ligne de cette histoire !

Je n’ai pas à insister davantage sur l’exploration du groupe. Elle exigea trente-six heures, car la goélette en fit le tour. À la surface