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le sphinx des glaces

D’ailleurs, la brise mollit d’une manière sensible pendant la matinée. Notre goélette fut même drossée plus que nous le voulions par le courant du sud. Par bonheur, le vent reprit vers deux heures de l’après-midi, et Jem West s’orienta de manière à regagner ce que la dérive lui avait fait perdre.

Pendant deux heures l’Halbrane tint le cap en cette direction avec une vitesse de sept à huit milles, et pas la moindre hauteur n’apparut au large.

« Il n’est guère croyable que nous n’ayons pas atteint le gisement, me dit le capitaine Len Guy, car, d’après Arthur Pym, Tsalal appartenait à un groupe très vaste…

— Il ne dit pas les avoir jamais aperçues pendant que la Jane était au mouillage… fis-je observer.

— Vous avez raison, monsieur Jeorling. Mais, comme je n’estime pas à moins de cinquante milles la route que l’Halbrane a parcourue depuis ce matin, et qu’il s’agit d’îles assez voisines les unes des autres…

— Alors, capitaine, il faudrait en conclure — ce qui n’est pas invraisemblable — que le groupe d’où dépendait Tsalal a disparu en entier dans le tremblement de terre…

— Terre par tribord devant ! » cria Dirk Peters.

Tous les regards se portèrent de ce côté, sans rien distinguer à la surface de la mer. Il est vrai, posté en tête du mât de misaine, le métis avait pu apercevoir ce qui n’était encore visible pour aucun de nous. Au surplus, étant donné la puissance de sa vue, son habitude d’interroger les horizons du large, je n’admettais pas qu’il se fût trompé.

En effet, un quart d’heure après, nos lunettes marines nous permirent de reconnaître quelques îlots épars à la surface des eaux, toute rayée des obliques rayons du soleil, et à la distance de deux ou trois milles vers l’ouest.

Le lieutenant fit amener les voiles hautes, et l’Halbrane resta sous la brigantine, la misaine-goélette et le grand foc.