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le sphinx des glaces

dont les détestables conseils ont entraîné mon frère jusqu’à cette île où la Jane a été détruite, où la plus grande partie de son équipage a été massacrée, où nous n’avons plus trouvé un seul de ceux qui y étaient encore il y a sept mois ?… »

Et comme Hunt restait muet :

« Réponds donc ! » s’écria le capitaine Len Guy, qui, le cœur ulcéré, ne pouvait se contenir.

L’hésitation de Hunt ne venait point de ce qu’il ne savait que répondre, mais, ainsi qu’on va le voir, d’une certaine difficulté à exprimer ses idées. Elles étaient très nettes cependant, bien que sa phrase fût entrecoupée, ses mots à peine reliés entre eux. Enfin, il avait une sorte de langage à lui, imagé parfois, et sa prononciation était fortement empreinte de l’accent rauque des Indiens du Far West.

« Voilà… dit-il, je ne sais pas raconter les choses… Ma langue s’arrête… Comprenez-moi… J’ai parlé de Pym… du pauvre Pym… n’est-ce pas ?…

— Oui, répliqua le lieutenant d’un ton bref, et qu’as-tu à nous dire d’Arthur Pym ?…

— J’ai à dire… qu’il ne faut pas l’abandonner…

— Ne pas l’abandonner ?… m’écriai-je.

— Non… jamais !… reprit Hunt. Songez-y… ce serait cruel… trop cruel !… Nous irons le chercher…

— Le chercher ?… répéta le capitaine Len Guy.

— Comprenez-moi… c’est pour cela que j’ai embarqué à bord de l’Halbrane… oui… pour retrouver… le pauvre Pym ?…

— Et où est-il donc, demandai-je, si ce n’est au fond d’une tombe… dans le cimetière de sa ville natale ?…

— Non… il est là où il est resté… seul… tout seul… répondit Hunt en tendant sa main vers le sud, et, depuis, onze fois déjà le soleil s’est levé sur cet horizon ! »

Hunt voulait ainsi désigner les régions antarctiques, c’était évident… Mais que prétendait-il ?…