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le sphinx des glaces

« Monsieur Jeorling, je vous salue.

— Je vous salue de même, mon ami, répondis-je. Que me voulez-vous ?…

— Vous offrir mes services…

— Vos services ?… À quel propos ?…

— À propos de l’intention que vous avez d’embarquer sur l’Halbrane

— Qui êtes-vous ?…

— Le bosseman Hurliguerly, ainsi dénommé et porté sur l’état nominatif de l’équipage, et, en outre, le fidèle compagnon du capitaine Len Guy, qui l’écoute volontiers, bien qu’il ait la réputation de n’écouter personne. »

La pensée me vint alors que je ferais bien d’utiliser un homme si prompt à obliger, lequel ne paraissait pas le moins du monde douter de son influence sur le capitaine Len Guy.

Je répondis donc :

« Eh bien, mon ami, causons, si vos fonctions ne vous réclament pas en ce moment…

— J’ai deux heures devant moi, monsieur Jeorling. D’ailleurs, peu de travail aujourd’hui. Demain, quelques marchandises à débarquer, quelques provisions à renouveler… Tout cela, c’est temps de repos pour l’équipage… Si vous êtes libre… comme je le suis… »

Et, ce disant, il agitait sa main vers le fond du port dans une direction qui lui était familière.

« Ne sommes-nous pas bien ici pour causer ?… observai-je en le retenant.

— Causer, monsieur Jeorling, causer debout… et le gosier sec… lorsqu’il est si facile de s’asseoir dans un coin du Cormoran-Vert, devant deux tasses de thé au whisky…

— Je ne bois point, bosseman.

— Soit… je boirai pour nous deux. Oh ! ne croyez pas que vous ayez affaire à un ivrogne !… Non !… Jamais plus qu’il ne faut, mais autant qu’il faut ! »