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le sphinx des glaces

Était-ce donc là ce qui restait de la population de l’île, évaluée à plusieurs milliers d’individus ?… Mais, s’ils avaient succombé jusqu’au dernier dans ce tremblement de terre, comment expliquer que ces débris fussent répandus à la surface du sol et non enfouis dans ses entrailles ?… Et puis, pouvait-on admettre que ces indigènes, hommes, femmes, enfants, vieillards, eussent été surpris à ce point qu’ils n’avaient pas eu le temps de gagner avec leurs embarcations les autres îles du groupe ?…

Nous demeurions immobiles, accablés, désespérés, incapables de prononcer une parole !

« Mon frère… mon pauvre frère ! » répétait le capitaine Len Guy, qui venait de s’agenouiller.

Toutefois, en y réfléchissant, il y avait des choses que mon esprit se refusait à admettre. Ainsi comment accorder cette catastrophe avec les notes du carnet de Patterson ? Ces notes disaient formellement que le second de la Jane, sept mois auparavant, avait laissé ses compagnons sur l’île Tsalal. Ils ne pouvaient donc avoir péri dans ce tremblement de terre, qui, étant donné l’état des ossements, remontait à plusieurs années, et qui devait s’être produit après le départ d’Arthur Pym et de Dirk Peters, puisque le récit n’en parlait pas…

En vérité, ces faits étaient inconciliables. Si le tremblement de terre était de date récente, ce n’était pas à lui qu’il fallait attribuer la présence de ces squelettes, déjà blanchis par le temps. En tout cas, les survivants de la Jane n’étaient pas parmi eux… Mais alors… où étaient-ils ?…

Comme la vallée de Klock-Klock ne se prolongeait point au-delà, il y eut nécessité de revenir sur nos pas, afin de reprendre le chemin du littoral.

Nous avions à peine franchi un demi-mille, le long des talus, lorsque Hunt s’arrêta de nouveau devant quelques fragments d’os presque à l’état de poussière, et qui ne semblaient pas appartenir à un être humain.