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le sphinx des glaces

bois, son attitude changea, lorsqu’il se fut agenouillé devant un morceau de planche vermoulue, abandonnée sur le sable. Il la tâtait de ses énormes mains, la palpait comme pour en sentir les aspérités, cherchant à sa surface quelques rayures qui pouvaient avoir une signification…

Cette planche, longue de cinq à six pieds, large de six pouces, en cœur de chêne, devait avoir appartenu à une embarcation d’assez grande dimension, — peut-être un navire de plusieurs centaines de tonneaux. La peinture noire qui la recouvrait autrefois avait disparu sous l’épaisse crasse déposée par les intempéries climatériques. Plus spécialement, elle semblait provenir du tableau d’arrière d’un bâtiment.

Le bosseman le fit remarquer.

« Oui… oui… répéta le capitaine Len Guy, elle faisait partie d’un tableau d’arrière ! »

Hunt, toujours agenouillé, hochait sa grosse tête en signe d’assentiment.

« Mais, répondis-je, cette planche n’a pu être jetée sur l’îlot Bennet qu’après un naufrage… Il faut que les contre-courants l’aient trouvée en pleine mer, et…

— Si c’était ?… » s’écria le capitaine Len Guy.

La même pensée nous était venue à tous les deux…

Et, quelle fut notre surprise, notre stupéfaction, notre indicible émotion, lorsque Hunt nous montra sept ou huit lettres inscrites sur la planche, — non point peintes, mais en creux et que l’on sentait sous le doigt…

Il n’était que trop aisé de reconnaître les lettres de deux noms, ainsi disposées sur deux lignes :

AN
LI   E   PO   L

La Jane de Liverpool !… La goélette commandée par le capi-