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la goélette halbrane

de mon lit par la grosse voix de l’aubergiste et par les coups de poing dont il ébranlait ma porte.

« Monsieur Jeorling, êtes-vous réveillé ?…

— Sans doute, maître Atkins, et comment ne le serait-on pas avec tout ce tapage ! Qu’y a-t-il ?…

— Un navire à six milles au large dans le nord-est, et le cap sur Christmas !…

— Serait-ce l’Halbrane ?… m’écriai-je en rejetant vivement mes couvertures.

— Nous le saurons dans quelques heures, monsieur Jeorling. En tout cas, voilà le premier bateau de l’année, et il n’est que juste de lui faire bon accueil. »

Je m’habillai en un tour de main et rejoignis Fenimore Atkins sur le quai, à l’endroit où l’horizon se présentait aux regards sous un angle très ouvert, entre les deux pointes de la baie de Christmas-Harbour.

Le temps était assez clair, le large dégagé des dernières brumes, la mer tranquille sous petite brise. Le ciel, d’ailleurs, grâce aux vents réguliers, est plus lumineux de ce côté des Kerguelen qu’à l’opposé.

Une vingtaine d’habitants — pêcheurs pour la plupart — entouraient maître Atkins, lequel était sans contredit le personnage le plus considérable et le plus considéré de l’archipel, — en conséquence le plus écouté.

Le vent favorisait alors l’entrée de la baie. Mais, la marée étant basse, le navire signalé — un schooner — évoluait sans hâte sous ses basses voiles, attendant le plein du flot.

Le groupe discutait, et, très impatient, je suivais la discussion sans m’y mêler. Les avis étaient partagés et appuyés avec un égal entêtement.

Je dois l’avouer — et cela me chagrinait, — la majorité tenait contre l’opinion que ce schooner fût la goélette Halbrane. Deux ou trois seulement se déclaraient pour l’affirmative, et, avec eux, le maître du Cormoran-Vert.