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le long de la banquise.

d’une clarté perpétuelle, et, vingt-quatre heures durant, les rayons solaires nous arrivaient de tous les points de l’horizon.

Aussi, les ice-bergs s’égouttaient-ils en multiples ruisseaux, qui creusaient leurs parois et se réunissaient en cascades retentissantes. En somme, il y avait à se garer des culbutes, lorsque le déplacement de leur centre de gravité, par suite de l’usure de la base immergée, venait à les culbuter.

Deux ou trois fois encore, on se rapprocha de la banquise à moins de deux milles. Il était impossible qu’elle n’eût pas subi les influences climatériques, que des ruptures ne se fussent pas produites en quelques points.

Les recherches n’aboutirent pas, et il fallut se rejeter dans le courant de l’ouest à l’est.

Ce courant nous aidait, d’ailleurs, et il n’y avait à regretter que d’être emporté au-delà du quarante-troisième méridien, vers lequel il y aurait nécessité de ramener la goélette, afin de mettre le cap sur l’île Tsalal. Dans ce cas, il est vrai, le vent d’est la reporterait vers son itinéraire.

Du reste, je dois faire observer que, pendant cette reconnaissance, nous n’avons relevé aucune terre ni apparence de terre au large, conformément aux cartes établies par les précédents navigateurs, — cartes incomplètes, sans doute, mais assez exactes dans leurs grandes lignes. Je ne l’ignore pas, des navires ont souvent passé là où des gisements de terres avaient été indiqués. Toutefois, ce n’était pas admissible en ce qui concernait l’île Tsalal. Si la Jane avait pu l’atteindre, c’est que cette portion de la mer antarctique était libre, et dans une année aussi en avance, nous n’avions aucun obstacle à craindre en cette direction.

Enfin, le 19, entre deux et trois heures de l’après-midi, un cri de la vigie se fit entendre aux barres du mât de misaine.

« Qu’y a-t-il ?… demanda Jem West.

— La banquise est coupée au sud-est…

— Et au-delà ?…