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le long de la banquise.

À ceci, sans doute, c’est que, dans les contrées boréales, l’influence des vents du sud est prédominante. Or ils n’y arrivent qu’après s’être chargés des brûlants apports de l’Amérique, de l’Asie, de l’Europe, et contribuent à relever la température de l’atmosphère. Ici les terres les plus rapprochées, terminées par les pointes du cap de Bonne-Espérance, de la Patagonie, de la Tasmanie, ne modifient guère les courants atmosphériques. C’est pourquoi la température demeure plus uniforme sur ce domaine antarctique.

— C’est là une observation importante, capitaine, et elle justifie votre opinion relative à une mer libre…

— Oui… libre… au moins sur une dizaine de degrés derrière la banquise. Donc, commençons par franchir celle-ci, et la plus grosse difficulté sera vaincue… Vous avez eu raison de dire, monsieur Jeorling, que l’existence de cette mer libre a été formellement reconnue par Weddell…

— Et par Arthur Pym, capitaine…

— Et par Arthur Pym. »

À partir du 15 décembre, les embarras de navigation s’accrurent avec le nombre des glaces. Toutefois, le vent continua d’être favorable, variant du nord-est au nord-ouest sans jamais accuser une tendance à tomber au sud. Pas une heure il ne fut question de louvoyer entre les ice-bergs et les ice-fields, ni de se tenir la nuit sous petits bords, — opération toujours pénible et dangereuse. La brise fraîchissait parfois, et il était nécessaire de diminuer la voilure ? On voyait alors la mer écumer le long des blocs, les couvrant d’embruns comme les rochers d’une île flottante, sans parvenir à suspendre leur marche.

Plusieurs fois, des angles de relèvement furent mesurés par Jem West, et de ses calculs il résultait que la hauteur de ces blocs était généralement comprise entre dix et cent toises.

Pour mon compte, je partageais l’opinion du capitaine Len Guy sur ce point, que de telles masses n’avaient pu se former que le long d’un littoral, — peut-être celui d’un continent polaire. Mais,