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le sphinx des glaces

impassibles et lourds, ne décampaient point à mon approche. N’était l’air stupide qui les caractérise, on serait tenté de leur adresser la parole, à la condition de parler leur langue criarde et assourdissante. Quant aux pétrels noirs, aux puffins noirs et blancs, aux grèbes, aux sternes, aux macreuses, ils fuyaient à tire-d’aile.

Un jour, il me fut donné d’assister au départ d’un albatros, que les pingouins saluèrent de leurs meilleures croasseries, — comme un ami qui, sans doute, les abandonnait pour toujours. Ces puissants volateurs peuvent fournir des étapes de deux cents lieues, sans prendre un moment de repos, et avec une telle rapidité qu’ils franchissent de longs espaces en quelques heures.

Cet albatros, immobile sur une haute roche, à l’extrémité de la baie de Christmas-Harbour, regardait la mer dont le ressac brisait avec violence sur les écueils.

Soudain, l’oiseau s’éleva d’une large envergure, les pattes repliées, la tête longuement allongée comme une guibre de navire, jetant son cri aigu, et, quelques instants après, réduit à un point noir au milieu des hautes zones, il disparaissait derrière le rideau brumeux du sud.