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entre le cercle polaire et la banquise.

Le premier, qui s’élança sur les enfléchures, fut Hunt. Le deuxième fut Martin Holt, notre maître-voilier. Le matelot Burry et l’une des recrues les suivirent aussitôt.

Jamais je n’aurais cru qu’un homme pût déployer autant d’agilité et d’adresse que le fit Hunt. C’est à peine si ses mains et ses pieds saisissaient les enfléchures. Arrivé à la hauteur des barres, il s’élongea sur les marchepieds jusqu’à l’un des bouts de la vergue, afin de larguer les rabans du hunier.

Martin Holt se porta à l’extrémité opposée, tandis que les deux autres hommes restaient au milieu.

Dès que la voile serait amenée, il n’y aurait plus qu’à la réduire au bas ris. Puis, après que Hunt, Martin Holt et les matelots seraient redescendus, on l’étarquerait d’en bas.

Le capitaine Len Guy et le lieutenant savaient que, sous cette voilure, l’Halbrane tenait convenablement la cape.

Tandis que Hunt et les autres travaillaient, le bosseman avait paré le tourmentin, et il attendait du lieutenant l’ordre de le hisser à bloc.

La bourrasque se déchaînait alors avec une incomparable furie. Haubans et galhaubans, tendus à se rompre, vibraient comme des cordes métalliques. C’était à se demander si les voiles, même diminuées, ne seraient pas déchirées en mille pièces…

Soudain, un effroyable coup de roulis chavira tout sur le pont. Quelques barils, cassant leurs saisines, roulèrent jusqu’aux bastingages. La goélette donna une bande si prononcée sur tribord, que la mer entra par les dallots.

Renversé du coup contre le rouf, je fus quelques instants sans pouvoir me relever…

Telle avait été l’inclinaison de la goélette que le bout de la vergue du hunier s’était plongé de trois à quatre pieds dans la crête d’une lame…

Lorsque la vergue sortit de l’eau, Martin Holt, qui s’était achevalé à l’extrémité pour terminer son travail, avait disparu.