amplitude effrayante. Pendant les grains, on aurait pu se figurer que l’Halbrane était coupée en deux. De l’avant à l’arrière, impossible de se voir.
Au large, quelques vagues éclaircies laissaient apparaître une mer démontée, qui se brisait avec rage sur l’accore des ice-bergs comme sur les roches d’un littoral, et les couvrait d’embruns pulvérisés par le vent.
Le nombre des blocs errants s’étant accru, cela donnait à espérer que cette tempête hâterait la débâcle et rendrait plus accessibles les abords de la banquise.
Toutefois, il importait de tenir tête au vent. De là, nécessité de se mettre à la cape. La goélette fatiguait horriblement, prise par le travers des lames, piquant dans leurs profonds entre-deux, et ne se relevant pas sans subir de violentes secousses. Fuir, il n’y fallait point songer, car, sous cette allure, un bâtiment s’expose au très grave péril d’embarquer des paquets de mer par son couronnement.
Tout d’abord, en fait de première manœuvre, il s’agissait de venir au plus près. Puis, la cape prise sous le hunier au bas ris, le petit foc à l’avant, le tourmentin à l’arrière, l’Halbrane se trouverait dans des conditions favorables pour résister à la bourrasque et à la dérive, quitte à diminuer encore cette voilure, si le mauvais temps empirait.
Le matelot Drap vint se poster à la barre. Le capitaine Len Guy, près de lui, veillait aux embardées.
À l’avant, l’équipage se tint prêt à exécuter les ordres de Jem West, tandis que six hommes, dirigés par le bosseman, s’occupaient d’installer un tourmentin à la place de la brigantine. Ce tourmentin est un morceau triangulaire de forte toile, taillé comme un foc, qui se hisse au capelage du bas mât, s’amure au pied et se borde à l’arrière.
Pour prendre les ris du hunier, il fallait grimper aux barres du mât de misaine, et quatre hommes y devaient suffire.